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Politique & société

Refus de la législation européenne sur le viol : une situation complexe et épineuse.

Le 6 février dernier a été adoptée, au conseil de l’union européenne et au parlement européen, la première directive portant sur les violences faites aux femmes au sein de l’Union Européenne. Cependant, l’article 5 de cette directive a fait couler beaucoup d’encre, l’occasion pour l’Aigle et la Loop de décrypter pour vous cette situation. Un article de Marcelin Bonnet.


Selin Ugurlu
Le 27 février 2024 à 12h22

Qu’est-ce que cette directive ?

La directive européenne sur les violences faites aux femmes est un texte de loi porté par la commission européenne qui vise à unifier le droit pénal sur les violences faites aux femmes entre pays membres. Parmi les violences nommées dans le texte se trouvent par exemple le revenge porn ou le cyber-harcèlement. Dans le texte proposé originalement, l’article 5 de cette directive prévoyait une unification des peines et de la définition du viol dans toute l’Union européenne. Cette définition stipulait que seul le consentement éclairé (un « oui » oral) faisait office de consentement, et qu’en l’absence de ce « oui », l’acte sexuel était un viol. C’est cet article qui a posé le plus de problème au sein des discussions dans les institutions européennes. En effet, plusieurs visions se sont opposées entre pays et euro-député.e.s.

Pourquoi adopter cet article ?

Les défenseur.e.s de l’article 5 de la directive alignaient plusieurs arguments. D’abord, le besoin d’avoir un droit et des sanctions plafond au sein de l’UE afin de protéger de manière efficace et unie les femmes. En effet, selon une étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne menée auprès de 42 000 résidentes de différents pays membres, une femme sur trois indique avoir subi des violences physiques ou sexuelles depuis l’âge de 15 ans, et une sur deux avoir déjà été victime de harcèlement sexuel. Ces chiffres qui apparaissent graves, ont motivé le choix de voter en faveur de l’article 5 sur la définition de viol. Plusieurs eurodéputé.e.s français.e.s se sont d’ailleurs positionné.e.s en défenseur.se.s de ce texte, à l’instar de M.Glucksmann (Place Publique) ou Manon Aubry
(LFI). Cependant, la directive a finalement été adoptée, sans l’article 5 qui était la mesure phare de cette directive.

Des oppositions françaises à l’échelle européenne.

D’abord, il convient de noter que l’opposition française ne concerne que l’article 5 de cette directive, et non l’ensemble du texte qui constitue une « grande avancée pour les femmes et les filles » (Amnesty International). Des arguments avancés par les oppositions françaises à l’article 5, le central est un argument de droit. En effet, il a été avancé le fait que l’UE ne soit pas compétente sur le sujet du viol en matière de droit pénal. Il est vrai, cette opposition a invoqué l’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’Union. Ce texte définit les limites d’actions de l’Union sur la criminalité, et le viol n’y apparait pas. L’opposition, à l’instar de Éric Dupont-Moretti, craignait donc une invalidation de l’article 5 par la cour de Justice européenne, et, dans cette occurrence, de l’ensemble du texte sur la protection des femmes. Ne voulant pas prendre ce risque, les personnes opposées à cet article ont préféré le supprimer, afin de garantir, comme cela a été fait, le passage du reste des articles sur les violences contre les femmes. Le garde des Sceaux, au Sénat, a également déclaré craindre une inversion de la preuve du côté de la victime (c’est à la victime de prouver qu’elle n’était pas consentante, et non pas à l’agresseur de prouver qu’elle l’était), mais également une contractualisation des rapports sexuels.

Controverse et politique

Les débats sur ce texte ont suscité, en Europe et en France, de vifs débats et invectivassions entre politique, déclenchant alors un désordre médiatique qui ne permettait pas d’analyser avec clarté la situation.
En effet, le garde des Sceaux a affirmé que Raphael Glucksmann entamait un début d’élection européenne quand ce dernier a affirmé, via son compte instagram, qu’Emmanuel Macron avait réussit à exclure le viol de la directive sur les violences sur les femmes. Manon Aubry a elle, via son compte Instagram également, déclaré que pour E.Macron, une
relation non-consentie n’était pas un viol. Ces différentes réactions, ajoutées à de nombreuses autres, sont symptomatiques de l’épineux sujets qu’est le traitement du viol à l’échelle européenne.

Une victoire en demi-teinte ?

Il s’agit de ne pas oublier l’avancée certaine que constitue malgré tout cette directive. En effet, elle uniformise les peines sur de nombreuses violences faites aux femmes. Effectivement, la directive adoptée le 6 février prévoit notamment une loi européenne sur l’interdiction des mariages forcés, des mutilations féminines et d’autres encore. Ce texte, même en l’absence de l’article phare, reste, selon Amnesty International, une première victoire en Europe quant à la protection des femmes.

Des débats sur des question de sociétés comme celui-ci se tenant régulièrement dans les institutions européennes, vous aurez l’occasion, durant les élections européennes du 6 au 9 juin prochain, de faire entendre votre voix par les urnes, et ainsi peser dans le traitement des questions européennes à venir.



Selin Ugurlu

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