Festival réussi !
« C’est bien de terminer sur un film gai », a laissé entendre une spectatrice, avec un léger sourire de satisfaction, à son amie. Comme cette spectatrice, nombreux et contents étaient ces cinéphiles venus au cinéma Mégarama Beaux Arts de Besançon. C’était ce dimanche 13 novembre aux encablures de 20 h, après avoir vu le dernier long métrage de fiction Saint Omer réalisé par Alice Diop réalisatrice sénégalaise, dans le cadre du festival Lumières d’Afrique. Le long métrage a mis en scène Rama, une jeune romancière, assistant au procès de Laurence Coly, pour le meurtre de sa fille d’un an et quelques mois seulement. Les témoignages croisés rendent dubitatifs Rama et questionnent le jugement des spectateurs et spectatrices.
Un déjeuner dominical à la saveur d’Afrique
Peu avant, à 12h, les participants se sont rendus au Centre diocésain, rue Mégevand. Le temps clément, avec un soleil timide, s’y est prêté pour un déjeuner aux allures festives et dynamiques. C’est l’une des innovations majeures du festival : l’instant Saveurs d’Afrique, pour réunir tout le monde autour de mets concoctés par les associations de Besançon. La salle à manger du centre était pleine et les files ne faisaient que s’étoffer à mesure que les premiers participants étaient servis. D’un côté, un buffet de couscous du Maghreb et le thiéboudiène, tous deux inscrits au patrimoine mondiale de l’UNESCO, et de l’autre, un buffet de riz aux haricots, des beignets et d’autres saveurs proposés par les Nigériens de Besançon, sans oublier le Bissap, une boisson obtenue à base de feuilles d’hibiscus. « De base, nous avions prévu entre 30 à 40 plats et nous avons vendu le double. On a remarqué que c’est le stand thiéboudiène qui a été fini en premier », nous a confié Adja Diagne, la vice-présidente de l’association des Sénégalais de Besançon.
D’autres stands étaient présents sur place pour représenter le Niger, notamment celui de Hamidou, membre des Nigériens de Bourgogne-Franche-Comté. « Au Niger, on a plusieurs cultures. On a plusieurs plats. On a présenté une petite partie de marmites nigériennes. Par exemple, le couscous du riz mélangé avec des feuilles de moringa ». Ce fut un moment de rencontres, de partages de sensations gustatives africaines. Une convive que nous avons interrogé ne dira pas le contraire. « J’ai mangé des tas de choses… J’ai mangé des légumes, de l’igname, un peu de couscous. C’était vraiment très bon. En plus, les serveuses avaient fait un effort en s’habillant dans la coutume du pays. Et c’était très, très agréable ». Autant dire que les participants sont rentrés chez eux bien repus.
Au Niger, on a plusieurs cultures. On a plusieurs plats. On a présenté une petite partie de marmites nigériennes. Par exemple, le couscous du riz mélanger avec des feuilles de moringa
Hamidou, membre de l’association des Nigériens de Besançon
« Des cinéphilies rares, mais riches et innovantes »
Pour rappel, le festival a débuté officiellement le samedi 5 novembre. Il est 13h30 environ. Une longue file d’attente jusqu’à dehors, devant le cinéma Mégarama Beaux Arts de Besançon. Femmes et hommes, enfants, jeunes et personnes âgées, chacun attendant son tour pour entrer dans la salle. Une fois entré, Gérard Marion directeur du festival et président de l’association AfrikaBesak qui porte l’événement, a dit toute sa satisfaction de voir l’intérêt pour ce festival. « Je suis très content de voir que vous ayez répondu à l’invitation qui vous est faite, de venir partager ces cinéphilies qui sont rares mais qui sont riches, qui sont innovantes », a-t-il déclaré au public avant de présenter le film à voir. Dans la salle, le public s’apprête à visionner La conspiration du Caire en avant-première, réalisé par Tarik Saleh.
« C’est un très beau film, surtout très intéressant qui dénonce les services secrets égyptiens et comment on arrive à manipuler un jeune étudiant. Le scénario est bien fait et il y a une intensité dramatique importante », témoigne un spectateur. Même son de cloche chez une autre spectatrice. « C’est un formidable film sur l’Égypte contemporaine et sur la corruption qui gangrène ce pays, et qui a des allures de film d’espionnage. Il montre bien comment fonctionne une dictature et tout ce qu’elle est capable d’utiliser pour arriver à ses fins, ainsi que pour corrompre toute sorte d’institutions », ajoute-t-elle pour terminer.
Dans la même soirée, le long métrage de fiction La Traversée réalisé par Irène Tassembedo a acté l’ouverture officielle du festival. L’acteur Galiam Bruno Henry, interprétant Djibi, le personnage principal, était présent. Les spectateurs interrogés ont donné leurs impressions sur ce film. « Il présente bien la réalité africaine. Originaire du Mali, je connais très bien la réalité de la sous-région », a-t-on entendu dans la salle. « Ce film est vraiment bien, car il représente un contexte qu’on ne voit pas facilement dans les médias. On peut voir que c’est difficile mais il n’y a pas que les pays de l’occident qui offrent des choses. Partout, on trouve des choses incroyables », entend-on ailleurs.
J’étais content d’interpréter ce personnage de Djibi. C’est le grand frère qui est parti, qui a fait la traversée et qui s’est retrouvé en Italie, en prison.
Galiam Bruno Henry, acteur principal de La Traversée
Un film qui arrive comme un moyen de déconstruction de l’imaginaire des jeunes africains qui veulent se lancer dans cette aventure périlleuse. L’acteur conseille : « Les jeunes africains, s’ils ont envie de voyager, de traverser, qu’ils le fassent avec un bagage. Avec un acquis. Mais pas venir comme ça pour venir galérer, se retrouver à mendier. S’ils ont envie de voyager, ça peut être super bien. Mais il faut que ça soit fait dans de bonnes conditions ».
De nombreuses activités ont rythmé l’évènement
Le festival Lumières d’Afrique était bien fourni en termes de contenus. Bien entendu, la période de crise sanitaire a freiné cet élan pendant ces deux dernières années. C’était l’occasion de renouer les liens avec les amoureux du cinéma. Le festival a repris son cours normal. En effet, plusieurs activités ont rythmé l’événement et ont permis de mettre en avant les savoir-faire de l’Afrique. Notamment les compétitions, les expositions, des rencontres. Plus exactement, les participants ont pu (re)découvrir l’Afrique à travers les rubriques L’Afrique au musée, Talents d’Afrique, Afri-Mômes, Afrique en musique (avec une conférence musicale animée par Mathieu Richard de Blackvoices), une conférence sur la route des chefferies du Cameroun. Tout ceci avec beaucoup d’enthousiasme de la part des participants.
Clin d’œil aux frères Lumière
En 1895, les frères Lumière inventèrent le cinématographe. Quoi de plus normal que de leur rendre hommage dans un festival de cinéma ? À l’occasion du 160ᵉ anniversaire de naissance d’Auguste Lumière, le festival a, en effet, rendu un bel hommage à Auguste et Louis Lumière à qui l’on doit aujourd’hui la magie du cinéma. C’était ce samedi 12 novembre à travers un film documentaire composé et commenté par Thierry Frémaux : La sortie des usines Lumières. Il retrace les premières heures du cinématographe, avec ses hésitations, ses trucages visibles mais qui font aussi la beauté du cinéma. À l’origine, le cinéma était constitué de films de 50 secondes qui mettaient en scène la vie de la famille Lumière, avant de s’exporter aux quatre coins du monde. Ce film a permis de faire une incursion dans la France de la fin du XIXe siècle et de comprendre l’évolution du cinéma aujourd’hui.
Lumières d’Afrique en chiffres
Lumières d’Afrique 2022, c’est exactement 10 jours (03 au 13 novembre) de (re)découvertes cinématographiques, 71 films proposés, 15 invités, 24 pays présents. Lumières d’Afrique c’est aussi un nombre important de participants et de distinctions. C’est également quatre lieux de projections (Petit Kursaal, Cinéma Mégarama, Centre Nelson Mandela, HTT les oiseaux).
Les lumières se referment sur le festival. C’est une semaine durant laquelle le savoir-faire cinématographique et culturel africain a été présenté. Les participants ont pu rencontrer de nombreux talents africains de Besançon et du continent présents pour partager leurs cultures. Les organisateurs pensent déjà à donner rendez-vous au public l’année prochaine pour (re)voir et (re)visiter tout ce qu’il y a de beaux et de bien dans ce continent en pleine mutation, mais aussi déconstruire les imaginaires caduques qui lui sont imputés. Toutes les informations sont disponibles sur le site du festival.